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Journal de notre bord. Lettre 161 (le 2 novembre 2014)

Extrait de la lettre de notre bord du 02/11/14. Retrouver la dans son intégralité sur le site Culture et révolution

Et maintenant tout le monde peut voir que ce gouvernement
a du sang sur les mains, celui d’un jeune écologiste
de 21 ans. Sa mort est emblématique. Rémi Fraisse a perdu
la vie parce qu’il était un amoureux de la nature. Disons
plutôt de ce qu’il reste de la nature, après plusieurs
décennies de passage en force, ou en douce, d’une foule
d’implantations inutiles, nuisibles ou dangereusement
surabondantes, mais hautement profitables à certains :
extension de l’agriculture industrielle, centrales nucléaires,
grandes surfaces, stades, bâtiments de prestige, parcs
d’attraction, TGV, aménagements urbains, aéroports, éoliennes,
autoroutes et rocades, sans parler des zones dévolues
à l’entraînement de l’armée et des forces policières.

Du béton pour tous, de la verdure pour personne ! A ce
rythme effréné de captation des espaces naturels par le
capital sous diverses formes, les générations futures
pourront découvrir ce qu’on appelait encore naïvement la
nature et ses merveilles au XXe siècle, exclusivement sur
internet et à la télévision, mais en 3D, comme si on y
était. Et elles se demanderont à quoi ces forêts, ces zones
humides, ces bocages, ces écosystèmes particuliers pouvaient
bien servir. Mais elles pourront voir ces séquences
« vintage » tout en consommant des aliments purement OGM et
des produits bourrés de nanoparticules. Tout leur sera livré
à domicile par des drones. La mobilité de leurs pouces se
sera développée (et les autres doigts atrophiés) pour
permettre l’intensification des échanges et opérations sur
leur téléphone « intelligent ». Des drones caritatifs
lanceront à certains endroits de quoi permettre de vivoter
aux sans abris dépourvus de téléphone portable qui, avec la
progression actuelle du chômage, seront probablement la
majorité de la population. Il y aura aussi, bien sûr, des
drones répressifs chargés de neutraliser les rebelles et
les mécontents sous prétexte de lutte anti-terroriste.

Les démarches impliquant des contacts humains seront, à la
fin des fins, obsolètes ou interdites par la loi. Plus de
relations humaines, plus de nature ! Chacun aura un code
barre sous la peau pour payer, se faire soigner (ou pas) et
se faire verbaliser. La belle vie quoi, contrôlée, numérisée
et marchandisée à 100 % ! Une vie grise et absurde face à un
écran petit, moyen ou grand, chacun recevant sa dose
d’émotion et d’excitation par les concepteurs de jeux,
séries et « informations » calibrées, collaborant avec des
neurologues et chimistes à la solde de grandes entreprises
détenant tous les brevets sur « le vivant ».

C’est dans cette voie déjà très avancée que les classes
dominantes et exploiteuses de tous les pays nous conduisent,
en s’appuyant plus que jamais sur leurs appareils d’État.
Cela s’opère à la cadence rapide d’un système dont elles
profitent mais qu’elles ne contrôlent pas.

Le gouvernement français tient fièrement sa place dans cette
configuration mondiale qui nous mène dans le mur. Comme ses
homologues, il mène la guerre sociale contre les salariés,
les chômeurs, les classes populaires et les jeunes mobilisés
pour empêcher les prédations et les destructions perpétrées
par la bande unie des affairistes et des politiciens à leur
dévotion. Lors de leur rencontre à l’Élysée, Hollande et
Erdogan auront pu échanger entre collègues à propos des
manifestations réprimées à Sivens et Notre-Dame-des-Landes
par les flics de l’un, et au parc Gezi et de nombreux autres
lieux en Turquie par les flics de l’autre. Si le niveau de
la répression est différent, sur le fond, leur feuille de
route est la même. Leurs amis patrons et banquiers, leurs
flics, leurs médias, leurs bureaucrates et technocrates,
leurs notables et leurs juges sont mobilisés pour défendre
les intérêts d’une infime minorité. Les gens, qui détiennent
les pouvoirs politiques, économiques, médiatiques et
militaires dans tous les pays, constituent le petit monde
soudé des individus sans scrupules qui s’en mettent plein
les poches, qui détruisent nos emplois, nos revenus, notre
cadre de vie. Et de ce fait, l’actualité des dernières
semaines nous montre qu’un vent de révolte souffle dans
plusieurs pays contre cette minorité qui manipule la machine
infernale capitaliste et en profite. Ce vent de colère et
d’indignation a recommencé à souffler sous la forme de
puissantes manifestations de salariés en Angleterre et en
Italie, d’une grève générale au Maroc le 29 octobre, d’un
mouvement de jeunes à Hong Kong qui ne faiblit pas depuis
six semaines ou, à présent, d’un soulèvement général au
Burkina Faso qui a renversé un régime corrompu et musclé,
soutenu depuis toujours par l’État français et de grandes
entreprises françaises et américaines. Ces luttes se
déroulent pour l’instant sur des terrains en apparence
différents et dans des aires géographiques séparées.
Mais il est possible que nous nous rapprochions du point
de basculement où les acteurs des luttes dans le monde
vont prendre conscience qu’ils se battent contre les mêmes
ennemis et pour la même cause.

 
A propos de Carré Rouge
A quelques encablures du XXIe siècle, le système fondé sur la propriété privée des moyens de production et l’Etat bourgeois menace l’humanité entière de barbarie. La mondialisation-globalisation de la production et des échanges, la financiarisation des investissements, l’âpreté de la concurrence (...)
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