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ADIEUX AU CAPITALISME

La réflexion sur un monde libéré du capitalisme se développe
et se démultiplie. « Adieux au capitalisme » de Jérôme
Baschet (éd La Découverte, 206 pages, janvier 2014) en offre
un exemple très intéressant. Le sous-titre de cet essai
définit bien l’optique de l’auteur : « Autonomie, société du
bien vivre et multiplicité des mondes ».

Jérôme Baschet est un historien médiéviste qui a suivi avec
une grande attention l’expérience de l’insurrection
zapatiste au Mexique dont on a fêté en janvier dernier le
vingtième anniversaire. Il a séjourné à de nombreuses
reprises dans les communautés zapatistes du Chiapas et en a
déjà rendu compte dans d’autres textes. Mais dans ce nouveau
livre, l’expérience zapatiste, très inventive à de nombreux
égards, est en quelque sorte mise en situation dans le cadre
de la crise du capitalisme mondial actuel, un monde
désastreux dans lequel nous nous trouvons englués et qui
risque fort de conduire à sa perte l’humanité.

Le premier chapitre analyse donc le capitalisme comme
« système humanicide ». Il s’appuie sur ce que les analyses
s’inspirant notamment de Marx ont pu apporter de meilleur
pour en comprendre le fonctionnement, et pour cibler comment
chacun d’entre nous est amené à fonctionner par et pour ce
système. Il sollicite notamment des auteurs comme François
Chesnais, David Harvey, Moishe Postone, Anselm Jappe,
Pierre Dardot et Christian Laval ou André Gorz.

Les chapitres qui suivent développent les lignes de force
d’un anticapitalisme non étatique, non productiviste et non
eurocentrique. L’auteur souligne que « nous ne sommes que
trop habitués à tenir l’État pour la seule forme possible
de l’intérêt commun » (p. 81). Les préjugés étatiques se
trouvent méthodiquement déconstruits par la description
détaillée de l’expérience zapatiste et, là encore, par des
références aux auteurs qui ont porté une attention
pénétrante aux questions de l’autogouvernement et de
l’auto-émancipation, comme le sous-commandant Marcos, Raoul
Zibechi, John Holloway ou Miguel Abensour. Il nous amène à
penser une société mettant fin au fatalisme du travail
abstrait, et donc à une société future du « temps disponible »,
des « subjectivités coopératives » et du « foisonnement
des singularités ».

Dans le chapitre 4, Jérôme Baschet argumente bien le fait
que la société postcapitaliste ne pourra être qu’« un monde
fait de multiples mondes ». Les travaux antérieurs
d’ethnologues comme Pierre Clastres et plus récemment David
Graeber nous avaient déjà préparés à une telle approche où
l’universalisme occidental abstrait, le culte de l’État et
de la marchandise étaient mis à mal. Et c’est précisément ce
dont nous devons nous dégager dès maintenant et qu’il faudra
abolir pour parvenir à une société postcapitaliste du « bien
vivre ». A l’instar du « Crack Capitalism » de John Holloway
qui se confrontait déjà à des questions semblables, il est à
espérer que ces « Adieux au capitalisme » ne susciteront ni
indifférence dédaigneuse, ni approbation béate, mais des
discussions fructueuses pour aller de l’avant.

Article paru dans la lettre de notre bord 156

 
A propos de Carré Rouge
A quelques encablures du XXIe siècle, le système fondé sur la propriété privée des moyens de production et l’Etat bourgeois menace l’humanité entière de barbarie. La mondialisation-globalisation de la production et des échanges, la financiarisation des investissements, l’âpreté de la concurrence (...)
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