COURBET EN EXIL

Le peintre Gustave Courbet participa activement à la
Commune de Paris de 1871. Cela lui valut plus de deux mois
de prison et un acharnement de l’appareil judiciaire pour
le rendre responsable du renversement de la colonne Vendôme
au cours de la Commune. Les Versaillais vengeurs entendaient
lui faire payer le prix astronomique de la réédification
de ladite colonne. Ruiné et à bout de rage, Courbet
décida de partir en exil en Suisse au bord du lac Léman et
commença à peindre des toiles à un rythme soutenu pour
satisfaire la demande forte des amateurs européens et se
donner une chance de revenir dans sa région natale, la
Franche-Comté. Le roman très réussi de David Bosc,
« La claire fontaine » (éd Verdier, septembre 2013, 116
pages) est centré sur cette dernière période de la vie du
grand peintre dit réaliste. Il est étayé par une
documentation sans faille. L’auteur échappe totalement à
la superficialité anecdotique de certains romans mettant en
scène un personnage célèbre. Son écriture semble émaner
des toiles de Courbet. Elle colle à l’art du peintre, à
son style de vie, à ses liens vertigineux avec les lieux
naturels qu’il chérissait. « Quand il peignait, Courbet
plongeait son visage dans la nature, les yeux, les lèvres,
le nez, les deux mains, au risque de s’égarer, au risque
surtout d’être ébloui, soulevé, délivré de lui-même. »
Son séjour à La Tour-de-Peilz, non loin de Vevey et du
château de Chillon qu’il peindra, n’a rien d’une
retraite solitaire, mélancolique et désolée. Il
s’adonne aux solides plaisirs de sa vie : peindre, faire
l’amour, se baigner dans les rivières et les lacs,
rencontrer des amis, boire le vin blanc local plus que de
raison. Des amis l’ont retrouvé dans son exil. Des
personnes l’aident à tenir son habitation et à produire
rapidement des tableaux. Généreux, franc du collier, il ne
tarde pas à être apprécié par les habitants de la
région qui n’ouvrent pas facilement leur porte et leur
coeur au premier étranger venu.
Sa magnifique vitalité est malgré tout assombrie par les
tracas et par le grand chagrin de l’écrasement de la
Commune dont il ne parle à personne. Sa légendaire
vantardise lorsqu’il était à Paris s’est envolée.
Mais Courbet reste fidèle à ses idées, à son art et à
sa ligne de vie jusqu’au bout. Il avait écrit :
« Quand je serai mort, il faudra qu’on dise de moi :
celui-là n’a jamais appartenu à aucune école, à aucune
église, à aucune institution, à aucune académie, surtout
à aucun régime, si ce n’est le régime de la liberté. »
Article paru dans la lettre de notre bord 155