Qui somme-nous? | Contacts | S'abonner à la revue | S'abooner à la newsletter du site | Plan du site

Et si on parlait entre nous de François Hollande ?

Extrait de la lettre de notre bord du 24/01/14. Retrouver la dans son intégralité le site Culture et révolution

Et si on parlait entre nous de François Hollande ? En dix-huit mois,
il a parfaitement réussi à se hausser au niveau de Sarkozy dans tous
les domaines : la chaude fraternité avec le grand patronat, les
expéditions guerrières en Françafrique et même les petites frasques
people qui font diversion et dopent l’audience des mass media.
L’hôte de l’Élysée assure l’emploi et le show sur toute la ligne.

Que lui manque-t-il ? Peut-être qu’un penseur de gauche renommé
s’attelle à la rédaction d’un brûlot, discutable mais revigorant,
dont le titre serait « De quoi Hollande est-il le nom ? ».
En attendant la sortie improbable d’un tel ouvrage, examinons
prosaïquement ce que le hollandisme à visage blafard représente : la
continuité parfaite du sarkozysme, la version française impeccable de
la politique menée naguère par Schröder, Blair, Zapatero et
Papandréou. Rien d’original. La routine. Les mercenaires à sang
froid des forces capitalistes ont toujours la même feuille de route :
cadeaux aux grosses entreprises, flexibilité renforcée, précarisation
généralisée, destruction accélérée des droits des travailleurs,
taille dans les effectifs et la rémunération des salariés de l’Etat
et des collectivités locales, attaques contre le régime des retraites
et le système de santé, hausse des impôts pour les classes
populaires, réduction en vue des allocations chômage, taille dans tous
les budgets sociaux et ceux de la culture...

Le Medef n’a jamais autant exprimé sa joie. Raffarin se dit prêt à
voter la confiance au gouvernement pour son plan emploi-compétitivité.
Raymond Soubie, l’ancien conseiller de Sarkozy, a dit sobrement hier
sur France Culture que Hollande avait rejoint les tenants de
« la pensée unique en Europe », en précisant qu’il n’employait pas
cette expression de façon péjorative. Le fringuant économiste Thomas
Piketty, ancien conseiller de Ségolène Royal, a déclaré dans
« Libération » que les mesures annoncées par Hollande allaient
dans le bon sens mais qu’il n’avait accompli que la moitié du
chemin. Ces fins connaisseurs des rouages du capitalisme apprécient
que Hollande joue pleinement son rôle dans la confrérie des grands
prêtres fanatiques adorateurs de la Compétitivité, cette divinité
absurde et mortifère exigeant la destruction de l’environnement et le
sacrifice de tout le monde, sauf des nantis bien sûr.

Le désastre social et écologique est donc en cours et le tempo va
s’accélérant. Qui pourrait entraver cette évolution à marche
forcée ? Bien sûr, s’il y avait encore deux ou trois ministres de
gauche, ils et elles auraient démissionné avec fracas et dénoncé
cette politique. Mais après avoir été traînée dans la boue pendant
des mois par les racistes, la droite et l’extrême droite, dans
l’indifférence totale de ses collègues, Christiane Taubira, qui a
fait preuve de courage et de ténacité, reste finalement
imperturbablement aux côtés d’un Manuel Valls qui expulse à tour de
bras les migrants et leurs enfants. Aurélie Filipetti a avalé avec le
sourire la couleuvre des licenciements à Florange. Cécile Duflot reste
sagement sous les ordres de Jean-Marc Ayrault, le fameux promoteur
d’un projet d’aéroport aussi coûteux que nuisible. Le sursaut de
dignité n’est pas à chercher de ce côté-là.

Voyons un peu ce qu’il en est au sein du Parti socialiste. Certes,
il s’agit d’une grande machine bureaucratique flasque qui sert avant
tout à gérer des régions et des communes à la satisfaction des
patrons, lesquels siphonnent leurs budgets. Elle sert par ailleurs à
préparer les élections et à cirer les bottes du président et du
gouvernement. Mais tout de même, on ne peut pas exclure a priori
qu’il y reste encore un reliquat de quelques milliers, disons plutôt
quelques centaines de gens sincèrement de gauche. Pourquoi
restent-t-ils au Parti socialiste ? Espèrent-ils « peser » sur la
politique de Hollande, en murmurant et en ronchonnant dans les coins ?
Il est tout simplement probable que la puissance du clientélisme
matériel et moral au sein du PS est telle qu’ils sont tétanisés et
ne peuvent exprimer que discrètement leur effarement pour ne pas
compromettre leur situation personnelle. Rebondir à gauche et sortir de
l’impasse, ce serait pour eux sortir du PS en masse, la tête haute
pour rejoindre d’autres gens de gauche, indépendants, s’arrachant
eux aussi à l’emprise des appareils du Parti communiste et plus
généralement du Front de Gauche, tournant le dos à ces appareils
faussement radicaux, avec leurs petits calculs électoralistes
misérables. Cette hypothèse est pour l’instant hautement
fantaisiste. Si quelqu’un a des velléités sérieuses d’exprimer sa
colère et de prendre sa liberté, les « camarades raisonnables et
responsables » lui servent les chantages classiques et inusables :
« Tu ne vas tout de même pas faire le jeu du FN ? faire le jeu de la
droite ? faire le jeu de nos concurrents à gauche ? Il faut rester
solidaire du parti. Après les élections, on essaiera de faire évoluer
les choses ». C’est ainsi qu’en obéissant éternellement, on
cautionne et on devient un zombie sans s’en apercevoir. Enfin,
n’insistons pas sur la vacuité de la position consistant à accorder
la moindre confiance à des appareils syndicaux de mèche à des degrés
divers avec le gouvernement et le patronat. Pour la forme et pour faire
oublier son lâchage des travailleurs de Goodyear et de bien d’autres
entreprises en lutte, la CGT programme une manifestation plan-plan
contre « l’austérité » (le truc vague où tous les chats sont
gris et personne n’est sérieusement mis en cause), et surtout pas
contre le gouvernement et le capitalisme.

Non seulement nous pouvons nous passer de tous ces appareils politiques
et syndicaux mais nous devons impérativement le faire, par nos paroles,
par nos écrits, par nos actions, par nos discussions. Que nous soyons
ouvriers, universitaires, employés, soignants, chômeurs, travailleurs
sociaux, retraités, vendeurs, coursiers, artistes ou quoi que ce soit
d’autre, c’est à nous de jouer, c’est à nous de nous révolter
et de mettre en commun nos idées, notre énergie, notre créativité.

 
A propos de Carré Rouge
A quelques encablures du XXIe siècle, le système fondé sur la propriété privée des moyens de production et l’Etat bourgeois menace l’humanité entière de barbarie. La mondialisation-globalisation de la production et des échanges, la financiarisation des investissements, l’âpreté de la concurrence (...)
En savoir plus »