La lettre de "Culture et révolution" du 14 novembre 2013
"ça va péter" : c’est ainsi que commence l’introduction de la "Lettre de notre bord" en date du 14 novembre, consultable dans son intégralité sur le site Culture et révolution
« Ca va péter ! ». Nous avons été des dizaines de milliers à crier cela dans la rue, à bien des reprises ces dernières années, en l’espérant et sans trop y croire. Eh bien, nous y sommes. Ca pète. Même les préfets signalent au gouvernement que nous sommes au bord d’une explosion sociale. Les manifestations en Bretagne ne sont qu’un petit début mais qui ne laisse guère de doute sur le fait qu’il n’y aura pas de retour au calme. Les grèves, les occupations, les manifestations qui n’auront plus rien à voir avec des promenades de santé, vont se multiplier dans toutes les régions. Il s’agit d’une immense colère populaire, retenue depuis trop longtemps. Elle va s’exprimer durablement et sans ménagement, comme cela s’est déjà produit et continue dans plusieurs pays européens comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, la Bulgarie, la Slovénie, etc.
Les derniers événements en Bretagne offrent déjà une riche matière pour réfléchir à cette colère sociale multiforme mais qui découle d’une même cause. Cette colère met en mouvement des ouvriers, des marins, des artisans, des commerçants, des enseignants, des agriculteurs, des petits entrepreneurs au bord du dépôt de bilan. Cette alliance de ces catégories sociales, bien visible à la manifestation de Quimper du 2 novembre, n’a rien d’étrange, de confuse ou de contre-nature. Ce sont les gens qui subissent le choc des soubresauts de l’économie mondiale capitaliste, avec son lot de licenciements, d’horaires épuisants, d’angoisses d’être appauvris, ruinés, sans aucun avenir.
Ce gouvernement, avec le même zèle que le précédent, relaie toutes les exigences des grands groupes industriels et financiers. Il y a en fait une sainte alliance entre la gauche gouvernementale, la droite et le MEDEF pour faire payer aux classes populaires l’écotaxe, l’augmentation de la TVA, la destruction du code du travail et pour leur faire encaisser les licenciements et les faillites de travailleurs « indépendants ».
La confusion politique, toute relative, n’a pas été le fait de la masse des manifestants à Quimper mais est venue de l’attitude des politiciens de gauche et des bureaucrates syndicaux notamment de la CGT qui ont eu peur de l’ampleur pris par ce mouvement, et ont donc voulu sauver la mise au gouvernement en organisant une autre manifestation à Carhaix, pour diviser et jeter le trouble dans les esprits.
Au prétexte que quelques représentants de la FNSEA, des élus UMP et quelques individus d’extrême droite avaient l’intention de surfer sur le mécontentement s’exprimant à Quimper, Mélenchon a traité les travailleurs en lutte d’ « esclaves » et de « nigauds ».
En tenant ces propos injurieux, Mélenchon s’est qualifié comme très éventuel Premier ministre de Hollande, avant le naufrage totale de la gauche gouvernementale et politicienne. Laissons-le à sa triste carrière de supplétif des gouvernants socialistes qui se comportent en véritables mercenaires au service des riches et des grands groupes capitalistes.
Car il semble qu’il y ait déjà quelques enjeux de grande importance à dégager. Nous ne pouvons pas nous laisser enfermer dans cette forme d’ouvriérisme qui sépare les salariés des autres catégories de travailleurs, et qui n’a rien à dire ou à proposer à la catégorie en pleine expansion des chômeurs. Un certain Karl Marx avait déjà mis en garde contre le risque que « le solo prolétarien soit un chant funèbre » si les ouvriers se coupaient de la paysannerie pauvre. Et rappelons que la Commune de Paris de 1871 était une lutte mettant au coude à coude des ouvriers, des artisans et des petits entrepreneurs. Ces rappels peuvent paraître incongrus alors qu’ils sont d’une actualité brûlante. Les politiciens et dirigeants syndicaux qui se plaisent à opposer les salariés aux autres catégories populaires victimes du capitalisme ouvrent une voie royale à l’extrême droite, d’autant plus qu’ils cautionnent ou dénoncent mollement les mauvais coups portés par le gouvernement contre l’ensemble de la population.
Nous devons tourner le dos à ses gens-là. C’est plus que jamais le moment d’être autonomes, indépendants, libres par rapport aux politiciens pseudo-socialistes, pseudo-écologistes, pseudo-communistes et aux dirigeants pseudo-syndicalistes. Sinon, nous subirons le même discrédit qui les atteint déjà et qui est amplement justifié.
Est-ce si difficile ? Non. Les lycéens ont montré qu’ils ne s’inclinaient pas devant Hollande et Valls, qui perpétuent et amplifient la désastreuse politique d’expulsions menée par Sarkozy. On voit bien qu’en diverses occasions et diverses régions, dont la Bretagne, les acteurs des luttes ont créé des comités pour défendre des emplois, une maternité, un service des urgences, un logement, pour s’opposer à des expulsions ou à des projets stupides, polluants et coûteux, comme à Notre-Dame-des-Landes.
En restant lucides, en ne cédant à aucun chantage et à la condition de nous engager dans cette voie constructive et démocratique, nous n’avons aucune raison de nous effrayer de l’explosion sociale qui vient et qui peut nous aider à faire naître une autre société.
Pour lire la suite :http://culture.revolution.free.fr/lettres/Lettre_153_14-11-2013.html