La nouvelle lettre de Culture et révolution(29 mai 2012)

Toujours oxygénante, la nouvelle "Lettre de notre bord" de Samuel Holder (dont nous reproduisons l’introduction ci-dessous) nous informe en outre de la publication en français de CRACK CAPITALISM, le dernier livre de John Holloway
par les éditions Libertalia (464 pages /20€).
"La perte de légitimité des gouvernants à l’échelle mondiale
prend une dimension sidérante et très instructive. L’exemple
le plus évident et le plus révoltant est celui de leur
attitude à l’égard du soulèvement du peuple syrien qui
continue avec une énergie toujours plus grande à se battre
pour sa liberté, sa dignité et de meilleures conditions
d’existence.
Depuis quinze mois, le peuple syrien endure massacre sur
massacre par les forces armées syriennes et par les milices
dont les intérêts sont liés au régime de Bachar al-Assad. La
détermination de la population dans tout le pays à présent
est admirable. Le soutien très faible qu’elle reçoit dans le
monde, en particulier des forces de gauche et d’extrême
gauche, l’est nettement moins.
De leur côté, les représentants des États à l’ONU ne
parviennent qu’à murmurer leur feinte indignation. Ils
prétextent de leur impuissance en raison de l’attitude
de la Russie et de la Chine. En fait le clan dictatorial
au pouvoir à Damas aurait pu de longue date être asphyxié
économiquement. Les sommes colossales détenues par ce clan
dans les grandes banques occidentales auraient pu, non
seulement être bloquées, mais aussi commencées à être
reversées à la population syrienne sous forme d’aides
humanitaires diverses. Les États occidentaux ne sont pas non
plus dépourvus de moyens de pression pour dissuader la
Russie et la Chine d’apporter une aide matérielle et
diplomatique à la dictature syrienne.
L’attitude hypocrite des représentants de l’ONU qui
demandent que « toutes les violences cessent » est depuis le
début de cette insurrection fondamentalement pacifique du
peuple syrien, une façon de donner à Bachar al-Assad, son
clan et ses bandes armées, un permis perpétuel de massacrer
les manifestants et même les populations qui ne manifestent
pas, comme on vient de le voir à Houla et à Hama.
Le seul souci des grandes puissances est, comme l’a dit le
ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, que tout
cela ne conduise à « une déstabilisation de la région ». Que
faut-il entendre par là ? Non pas que le régime actuel soit
remplacé par un régime islamiste. L’Arabie saoudite et les
divers États du Golfe persique ont des régimes islamistes
dictatoriaux avec qui les États-Unis et l’Union Européenne
font de bonnes affaires et s’entendent comme larrons en
foire, y compris pour leur vendre des armes.
Non, la menace réelle et tout à fait sérieuse est que le
souffle de la révolution qui s’est levé l’an dernier en
Tunisie et en Égypte et qui a encouragé le peuple syrien
dans ses diverses composantes à se libérer de ses chaînes,
ne finisse par faire place nette de tous les oppresseurs et
profiteurs, aussi bien en Syrie que dans les pays voisins.
Les grandes puissances comptent sur les divisions au sein de
la population syrienne et sur le pourrissement de la
situation. Ce calcul a marché en d’autres temps et en
d’autres lieux, notamment en ex-Yougoslavie. Il est
improbable que cela fonctionne dans le cas de la Syrie.
Car depuis, des millions de femmes et d’hommes, salariés,
chômeurs, jeunes sans perspective, du Maroc au Yémen, de la
Grèce à l’Espagne, de même qu’en Amérique latine, en
Amérique du Nord, en Russie et en Asie, ont repris le chemin
de la contestation du règne des classes dirigeantes
corrompues, le chemin de la lutte contre le capitalisme et
ses dispositifs d’oppression et d’étouffement de leurs
aspirations."
A lire sur le site Culture et révolution