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La crise dans les médias : Besancenot, Chabot

Passer dans les médias... pour parler de la crise ou pour subir les provocations des journalistes politiques ?
Qui profite de la crise ? Arlette Chabot a trouvé la réponse ...
Les banquiers, les spéculateurs ? Non, Olivier Besancenot !

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Les médias parlent de la crise, et parfois même abondamment. Ils donnent la parole à maints « experts » mais avec une nette préférence pour ceux qui défendent des conceptions qui ne remettent pas fondamentalement en cause le système capitaliste. La voix de ceux qui pensent que ce n’est pas seulement de la crise qu’il faudrait sortir mais du système en son entier est à peine perceptible, pour ne pas dire complètement étouffée. Et lorsqu’un militant « anticapitaliste » est invité dans une émission, il se retrouve en butte à de véritables provocations politiques qui visent à la fois à le déstabiliser en tant que personne et à discréditer son analyse de la crise. Olivier Besancenot en a fait les frais récemment.
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« A vous de juger », c’est le titre de l’émission qu’anime Arlette Chabot chaque mois et qui nous est présentée ainsi sur le site de France 2 : « Autour d’un invité - dans un face à face ou sous la forme d’un grand débat d’actualité-, l’émission d’Arlette Chabot donne des clés pour comprendre et juger l’évènement politique du mois. ». Le 13 novembre dernier, l’émission était consacrée à la crise : « Crise financière, crise économique, à quoi faut-il vraiment s’attendre ? » comme cela était affiché à l’écran dès le début de l’émission. A quoi faut-il vraiment s’attendre donc ? Nous avons eu un premier élément de réponse ce jeudi soir : à ça ! C’est-à-dire à la montée au créneau de journalistes connus pour leur grande objectivité comme Arlette Chabot qui, en recevant Olivier Besancenot dans la deuxième partie de l’émission, a utilisé les ficelles les plus grossières pour jeter l’anathème sur son invité. Que l’on se sente proche ou pas du projet porté par le postier du NPA, la façon dont il a été traité ne peut manquer de nous interpeller.

1ère ficelle : détourner l’attention du téléspectateur

Alors que dans la première partie de l’émission plusieurs invités, dont un banquier, étaient réunis pour débattre, et qu’il aurait été effectivement judicieux de s’interroger sur les pratiques de ceux qui, spéculant à la baisse, ou profitant des aides de l’Etat, vont tirer leur épingle du jeu de la crise (bien qu’Arlette Chabot se soit parfois permis de traiter le président du groupe Banque Populaire avec une certaine rudesse et qu’elle ait présenté des reportages montrant le refus de banquiers d’accorder des crédits aux PME, elle n’a fait que désigner quelques coupables, sans aller plus loin dans la remise en cause des pratiques bancaires en général) non, c’est au moment où arrive Olivier Besancenot qu’Arlette Chabot pose cette question : « Alors cette crise économique, à qui profite-t-elle ? » Et elle nous donne d’emblée la réponse : « Peut-être à quelqu’un qui va créer le nouveau parti anticapitaliste ; à qui cette confusion chez les socialistes profite-t-elle ? Peut-être à Olivier Besancenot ». En deux temps trois mouvements, elle réussit ce tour de passe-passe de désigner comme bénéficiaire de la crise, non pas le système capitaliste lui-même, dont tout le monde s’accorde à reconnaître les responsabilités dans le déclenchement du krach financier, mais celui qui est un des porte-parole des anticapitalistes : l’accusateur accusé en quelque sorte !

Suit un reportage qui analyse la coupable popularité du postier-militant. Une voix off nous dit encore : « Et c’est peut-être même la crise qui fait les affaires de la petite entreprise d’Olivier Besancenot » parce que, bien évidemment, dans ce monde vu uniquement sous l’angle de « l’entreprise », on ne peut considérer autrement une organisation de militants politiques ! Plus loin Arlette Chabot insiste lourdement : « Olivier Besancenot on va dire, voilà, il prospère sur la crise. Plus la crise est grave, plus l’extrême-gauche va prospérer, c’est-à-dire que vous espérez un mouvement social et le mouvement social vous profitera forcément parce que vous serez les plus durs ».

Pour analyser les raisons de cette popularité le reportage a choisi de relayer les propos de deux « experts » : Jean-Christophe Cambadélis, député PS de Paris, qui présente Olivier Besancenot comme un « Gavroche de la multitude » et Brice Teinturier, directeur général adjoint de TNS SOFRES qui constate que « Cette idée qu’il y a une France d’en haut et une France d’en bas ne cesse d’augmenter, c’est ça qui fait aussi la fortune d’Olivier Besancenot »...Si ce n’est qu’une idée, cela relève donc plutôt du mythe que de la réalité... Et la voix off de rajouter en guise d’explication que la popularité du leader d’extrême-gauche chez les militants socialistes serait « d’abord un geste de mauvaise humeur » et due à « sa personnalité télégénique ». Les soutiens d’Olivier Besancenot ayant été ainsi dévalorisés puisque ils sembleraient réagir à des emportements plus qu’à la raison voire à des convictions, n’ont bien-sûr pas été convoqués à s’exprimer dans le reportage.

2ème ficelle : l’amalgame

Puisque la popularité de Besancenot est indéniable, Arlette Chabot ne la nie donc pas. Mais elle va conduire son entretien de manière à laisser entendre qu’elle reposerait peut-être sur des bases troubles, des voisinages ou des pratiques présentées comme devant le discréditer. A deux reprises, elle va mettre son interlocuteur en situation de répondre d’actes qu’il n’a pas commis...l’associant ainsi insidieusement à une certaine forme de violence qui, même si cela n’est pas dit ouvertement, n’est pas loin d’évoquer le terrorisme.

Dès le début, elle attaque bille en tête son invité - accusé : « Bonsoir Olivier Besancenot, merci de nous avoir rejoints, on va parler d’actualité ». On va parler de la crise financière se dit-on puisque c’est le sujet d’actualité choisi...et bien non ! Voilà sur quoi il est sommé de s’expliquer : « SNCF, un certain nombre de personnes ont été interpellées, sont soupçonnées d’avoir participé au sabotage des lignes SNCF, elles appartiennent à ce qu’on appelle « l’ultra gauche ». Beaucoup de Français ont dû découvrir qu’il y avait une « ultra gauche » et certains se disent « l’ultra-gauche », c’est l’extrême-gauche et regardent vers vous. Vous les connaissez ces membres de groupes ou de groupuscules de « l’ultra gauche[...]« Mais ces militants de « l’ultra gauche » vous devez parfois les croiser ou même participer à des mouvements ensemble parce qu’ils sont contre la mondialisation, donc ils sont altermondialistes, ils participent à des manifestations contre le CPE, vous les croisez ou pas ? ». On appréciera au passage la formule réductrice « ils sont contre la mondialisation, donc ils sont altermondialistes ».

La deuxième attaque perfide arrive à la fin de l’entretien et prouve que notre procureur-journaliste a de la suite dans les idées : « Alors je voudrais qu’on revienne à un sujet, on parlait tout à l’heure de la violence, y a eu l’affaire Jean-Marc Rouillan, Jean-Marc Rouillan, on se souvient Action directe, condamné, il est sorti, il y a eu une possibilité de ( à l’écran on voit une photo de Jean-Marc Rouillan, jeune, qui « nous » vise avec son arme !) travailler, de détention si j’ose dire, alternée, et puis il a parlé de son affaire, donc sa permission entre guillemets a été supprimée euh Madame Besse, heuh, qui est l’épouse de euh ( à noter la multiplication de ses heuh) l’ancien PDG de Renault donc qui avait été assassiné par Action Directe , euh, avait dit que vous cautionniez Action directe et vous avez fait cette réponse qui a beaucoup troublé beaucoup de gens et vous aviez dit : « Mme Besse a des comptes à régler avec Action directe, cela ne peut pas être un débat entre elle et nous, le passé est le passé, j’étais bien jeune à l’époque » et beaucoup se sont dit ce jour-là : « Olivier Besancenot, franchement c’est pas bien » euh vous manquez un peu d’humanité, est-ce que vous présentez à tous ceux qui ont été enfin choqués, vous dites « bah oui je présente mes excuses à Mme Besse parce que j’aurais pas dû dire ça »

Olivier Besancenot n’en revient pas et on le comprend. Voilà une journaliste qui, outrepassant son rôle, se donne une mission d’accusateur public, persuadée de parler au nom de « beaucoup de gens » comme elle dit ( mais qui sont ces « beaucoup de gens » ? ) et qui le somme de présenter ses excuses parce qu’ « il n’aurait pas dû dire ça » , excuses dont elle a rédigé elle-même le texte !

N’est pas juge qui est juge et partie

Passons vite sur les autres incohérences de cette émission censée nous donner les clés pour comprendre. A nous de nous juger est-il dit. A nous ou à Arlette Chabot ? On peut se poser la question lorsqu’elle reprend le discours de Nicolas Sarkozy et qu’elle dit, sans sourire, « c’est vrai qu’il fait plus fort que vous » et qu’elle rajoute « Franchement c’est une prise de conscience » , lorsqu’elle affirme « Vous êtes tout sauf naïf, le capitalisme il sait toujours se régénérer, c’est pas la fin du capitalisme, là, on va trouver une solution » », lorsque, enfin, à propos du mouvement social qui pourrait survenir, elle déclare que ce serait « rajouter de la crise à la crise » et du « désordre »... Nous donne-t-elle les clés pour comprendre ? Non, elle nous dit ce qu’il faut comprendre !

Cette émission a valeur d’avertissement. Beaucoup de militants d’extrême-gauche et de militants altermondialistes défendent le fait qu’il faut « passer » coûte que coûte dans les médias et que pour cela il faut alors faire certaines concessions, en particulier celles de ne pas dénoncer publiquement, lorsqu’ils sont invités, les liens entre ces médias et les pouvoirs économiques et politiques. Ils leur épargnent leurs flèches. Olivier Besancenot ne s’est indigné que quelques secondes des questions « vicieuses » d’Arlette Chabot. Mais si l’on confie aux médias le soin de rendre populaires, on leur laisse alors aussi le soin de rendre impopulaires. Jusque là l’accent était mis sur la bonne bouille sympathique du jeune postier. Jusque là...L’émission d’Arlette Chabot est un signe que le vent serait peut-être en train de tourner...

 
A propos de Carré Rouge
A quelques encablures du XXIe siècle, le système fondé sur la propriété privée des moyens de production et l’Etat bourgeois menace l’humanité entière de barbarie. La mondialisation-globalisation de la production et des échanges, la financiarisation des investissements, l’âpreté de la concurrence (...)
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